Le programme de recherche de supernovæ à grand redshift SNLS réalise un
changement d'échelle par rapport aux relevés précédents.
Profitant d'une stratégie d'observation novatrice et parfaitement
adaptée à sa cible, SNLS découvre plus de 200 candidats SN-Ia
par an, et obtient un spectre conclusif pour environ 70 % d'entre eux.
Cette inflation statistique, dictée par les exigences de la cosmologie
observationnelle de précision, s'accompagne d'un important effort
de développement d'outils de réduction qui soient à la fois automatisés
et d'une grande précision.
Des outils de photométrie ont en particulier vu le jour pour appréhender
la masse d'images produites par la caméra grand champ MégaCam et ses
400 MégaPixels, et y mesurer le flux de transients au pourcent.
La spectroscopie ne met pas en jeu une quantité de données aussi importante,
mais les centaines de spectres obtenus au VLT constitue un échantillon
à forte valeur ajoutée.
Pour autant, le traitement des spectres se faisait initialement avec l'outil
généraliste MIDAS, au cas par cas.
Cette approche permet de profiter du sens critique de l'operateur, mais est
aussi soumise aux inévitables erreurs humaines.
La méthodologie suivie par MIDAS n'est pas irréprochable, et certaines
étapes ne sont pas souhaitables dans le cas, fréquent pour nous, de
sources très faibles.
L'efficacité du filtrage spatial des impacts de rayons cosmiques,
la correction de la distorsion pour obtenir un échantillonnage régulier,
source de corrélation entre pixels voisins,
la propagation précise du bruit statistique
ainsi que la pertinence du lissage de la fonction de réponse
sont les principales problématiques d'ordre méthodologique que
j'ai identifié et pour lesquelles je propose des solutions algorithmiques,
implémentées en language C++,
à mécanique apparente, souples et légères, à la robustesse relative
car limitée aux traitement de spectres longue fente et multi-objets
de l'instrument FORS1.
Les principales différences par rapport à la méthodoligie standard
résident dans le filtrage temporel des impacts de rayons cosmiques
lors du moyennage de la série de spectrogrammes d'une observation,
dans l'absence de rééchantillonnage des pixels et dans
l'obtention d'une fonction de réponse globale à partir de l'ensemble
des observations d'étoiles standard.
L'homogénéité et l'abondance du lot de données permet et appelle à
un traitement uniformisé, capable de traiter l'ensemble des données
avec des paramètres par défaut, et un quelconque sous-ensemble avec
des paramètres personnalisés.
Les problématiques transversales de la logistique, de la gestion des erreurs,
de la complétude, de la visualisation des produits et de la manutention
représentent une fraction significative du travail réalisé,
en utilisant les facilités d'abstraction du language interprété Python.
Les fondamentaux de la spectroscopie étant traités, l'adaptation à
d'autres instruments est prévue, en particulier pour FORS2 et pour GMOS des
téléscopes Gemini.
A terme, le support du mode d'acquisition en va-et-vient (Nod and Shuffle) est
également souhaitable, par une modification du profil des sources à
extraire.
Pour l'heure, le groupe SNLS peut compter avec une chaîne de traitement
indépendante particulièrement rodée pour les données longue fente
prise avec FORS1 et le grisme 300V, qui constitue l'essentiel des données
du premier large programme de l'ESO pour le suivi spectroscopique, couvrant
la periode de Juin 2003 à fin Septembre 2005.
L'étape sensible de l'extraction du spectre de la supernova a également été
revisitée, dans le but de résoudre efficacement la composante ponctuelle
associée à la supernova du fond galactique.
Les informations provenant de la photométrie sont introduites afin de
contraindre le profil des sources à extraire : supernova ponctuelle, galaxie
hôte et galaxies de champs.
Cette technique novatrice a donc été baptisée PHASE,
pour PHotometry Assisted Spectra Extraction.
Lorsque la galaxie hôte est assez résolue, ou que la séparation entre
la supernova et le centre de la galaxie hôte est suffisante par rapport au
piqué du spectrogramme, la séparation des spectres fonctionne très bien.
Plus la séparation et l'étendue de la galaxie diminuent, à mesure
que le redshift augmente, plus les spectres présentent de bruit anti-corrélé.
À l'extrême, la supernova et sa galaxie hôte sont confondues, et l'on
ne peut qu'extraire les deux simultanément (
30 % des cas).
À l'exception de ce dernier cas, l'identification du type de la supernova peut
se faire sans devoir ajuster un modèle de galaxie au spectre extrait,
épargnant un paramètre libre source de dégénérescence.
L'utilisation par ailleurs du modèle empirique de spectres de SN-Ia
SALT2 fournit un test binaire pour classifier les objets comme SN-Ia
ou SN-nonIa qui s'affranchisse des librairies de spectres de supernovæ de
tout types (mais qui dépend toujours indirectement du lot de spectres
et de courbes de lumières utilisé pour l'entaînement de SALT2).
À grand redshift, la faiblesse du rapport signal à bruit du spectre et
la dispersion intrinsèque des SN-Ia ne permet pas d'utiliser le
comme un discriminant sûr, mais l'inspection visuelle de l'ajustement
permet toujours une classification subjective.
La création automatisée et la mise à disposition en ligne pour le
groupe des paramètres de chaque observation, du spectrogramme combiné
exempt de fond de ciel, de l'image du bruit statistique associé,
du spectre des sources extraites et de l'image du résidu d'extraction
en un même lieu fournit aux experts spectroscopistes le materiel
nécessaire pour valider la classification du transient et la mesure
du redshift de la galaxie hôte.
Souhaite-t-il personnaliser l'extraction d'un cas difficile, en n'utilisant
pas les niveaux de coupure par défaut, cela ne demande que quelques minutes
si l'on est familier avec les éxecutables de PHASE.
Dans la perspective de relevés encore plus ambitieux (tel LSST) ou de satellites dédiés (tel DUNE), anticipant plusieurs milliers de supernovæ observées, la mise en place d'algorithme automatisant le traitement et l'extraction des spectres de supernovæ lointaines est sans doute un premier pas vers la systématisation de leur analyse.