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1.3 Les supernovæ thermonucléaires

Les supernovæ de type Ia sont une classe remarquable de supernovæ au sens où elles présentent une grande homogénéité, qui leur confère le status de chandelle standard (ou plus précisément standardisable).

La nature de ces objets est longtemps restée mystérieuse, les astronomes étant déroutés par l'absence de trace d'Hydrogène et d'Hélium dans leurs spectres, alors que ces éléments sont omniprésents. L'identification des raies de Silicium (un élément isoscalaire formé par la fusion du Carbone et de l'Oxygène, également isoscalaires) dans leur spectre, ainsi que la décroissance exponentielle de leur luminosité avec des constantes de temps de 6 puis de 77 jours correspondant aux temps de demi-vies de la désintégration $ \beta $ du Nickel radioactif (Ni$ ^{56}$ ) en Colbalt radioactif (Co$ ^{56}$ ), et de ce dernier en Fer stable (Fe$ ^{56}$ ), ont abouti au scénario de l'explosion thermonucléaire d'une naine blanche de Carbone et d'Oxygène approchant de la masse critique de Chandrasekhar.

1.3.1 Mécanisme de l'explosion

Le mécanisme permettant à une naine blanche de croître jusqu'à cette masse n'est pas élucidé, mais le progéniteur le plus probable serait un système binaire d'étoiles massives. La plus massive du couple évolue rapidement, souffle ses couches externes et forme une naine blanche. Lorsque la moins massive quitte la séquence principale et devient une géante rouge, elle remplit son lobe de Roche (la surface en laquelle l'attraction des deux astres est égale), ouvrant la voie à un transfert de matière vers la naine blanche. L'Hydrogène et l'Hélium ainsi accrétés à la surface de la naine blanche, soumis à sa forte gravité et chauffé par l'accrétion, brûlent pour former du Carbone, et augmentent peu à peu la masse de la naine blanche. Peu avant d'atteindre la masse de Chandrasekhar, les conditions de pression et de température au c\oeur de la naine blanche permettent le réallumage de la fusion du Carbone. Le taux de cette réaction étant très sensible à la température ($ \propto$ T$ ^{40}$ ), la réaction s'emballe en une flamme thermonucléaire qui vaporise l'astre en quelques secondes, et enrichit le milieu interstellaire en éléments de masse intermédiaire (Oxygène, Calcium, Magnésium, Silicium, Soufre) et de la famille du Fer (Nickel, Cobalt). On parle de supernova thermonucléaire. L'homogénéité observée de ces événements s'explique alors naturellement : la masse de combustible est toujours la même, proche de la masse critique. L'énergie libérée, de l'ordre de 10$ ^{51}$ erg, l'est essentiellement sous forme de rayonnement et d'énergie cinétique, dans des proportions comparables. On relie l'énergie à la masse équivalente de Ni$ ^{56}$ nécessaire pour fournir une telle énergie par déclin radioactif, qui vaut en moyenne 0.6 M$ _{\odot}$ . Au maximum de luminosité, une supernova thermonucléaire brille comme quelques milliards de soleils, autant qu'une galaxie de taille modeste.

Image nova_recurrente
Figure 1.2: Vue d'un artiste inspiré d'un système binaire constitué d'une naine blanche et d'une géante rouge. La matière accrétée à la surface de la naine blanche subit une combustion explosive : c'est une novæ récurente, inspirée par RS Ophuccius, dont la dernière explosion date de Février 2006, et est un candidat progéniteur de SN-Ia (D.A. Hardy / PPARC).
 

Le bilan chimique de la combustion dépend de la vitesse de propagation de la flamme : si elle est supersonique (détonation) la combustion est complète, jusqu'à l'équilibre nucléaire statistique, et forme principalement du Fer. Si elle est subsonique (déflagration) la combustion est incomplète et forme des éléments de masse intermédiaire. La détonation ne rend pas compte de la présence d'élements de masse intermédiaire dans le spectre, et la déflagration aboutit à des vitesses d'éjection trop faibles. Une transition de la déflagration en une détonation pourrait résoudre ces incohérences, mais le mécanisme à l'origine d'une telle transition reste hypothétique (corrugation du front de flamme).

1.3.2 Progéniteurs alternatifs

D'autres scénarii ont été proposés pour aboutir à une naine blanche de masse critique. Le scénario précédent est dit dégénéré simple car une seule naine blanche est en jeu. Le mécanisme d'accrétion reste sujet à débat, et peut être induit par la création d'une enveloppe commune au système binaire (constitué des couches externes des deux étoiles), favorisant le rapprochement du couple et l'accrétion de matière. Le taux d'accrétion doit être suffisement élevé pour apporter plusieurs dizièmes de masses solaires en un temps raisonnable (<10$ ^9$ ans soit un taux >10$ ^{-10}$ M$ _{\odot}$ /an). Mais ce taux est auto-régulé par la pression du rayonnement émis par la chute du matériel, et ne peut pas dépasser 10$ ^{-6}$ M$ _{\odot}$ /an. La formation d'un fort vent stellaire par la géante rouge permettrait de maintenir un taux d'accrétion de 10$ ^{-7}$ M$ _{\odot}$ /an de manière durable [8].

Le scénario dégénéré double considère un système binaire serré de deux naines blanches, état final de nombreux systèmes binaires (on estime leur population à 10$ ^8$ dans la galaxie). La séparation des deux astres décroît progressivement à cause de la perte d'énergie sous forme d'ondes gravitationnelles et de freinage magnétique. Finalement, les deux naines blanches fusionnent, la masse résultante dépasse la masse critique et l'astre à peine formé explose. Ce scénario souffre du temps nécessaire au rapprochement des deux astres si la séparation initiale d est trop grande (plusieurs milliards d'années pour une séparation de quelques rayons solaires) et à l'incertitude sur le résultat de la rencontre : explosion thermonucléaire ou implosion en étoile à neutrons. Des systèmes de naines blanches binaires de période ultra-courte (<15 min., du type AM Canum Venaticorum) ont été découverts, démontrant que des progéniteurs valables existent.

Évoquons également le scénario sub-Chandrasekhar, selon lequel la couche d'Hydrogène ou d'Hélium accrétée à la surface de la naine blanche s'épaissit jusqu'à ce que les conditions de température et de pression permettent sa combustion explosive, en surface. L'onde de choc formé par l'explosion de la couche superficielle se propage jusqu'au centre, s'y focalise, y comprime la matière et permet ainsi la combustion explosive du Carbone.

Observationellement, les sources X douces sont considérées comme les plus prometteuses, le rayonnement X étant interprété comme celui de la surface extrêmement chaude de la naine blanche accrétante. Les variables cataclysmiques, sujettes à des novæ récurrentes dues à l'explosion d'une couche d'Hydrogène accrété sont également de bons candidats, à condition que les explosions ne fassent pas diminuer la masse de la naine blanche. On distingue les variables cataclysmiques magnétiques (polar) pour lesquelles la naine blanche est fortement magnétisée, la matière accrétée suit les lignes de champ et forme un point chaud à la surface de la naine blanche.

À l'inverse des supernovæ gravitationnelles qui ne sont observées que dans les galaxies spirales formant des étoiles (en accord avec le temps de vie court des étoiles massives), les supernovæ thermonucléaires sont aussi observées dans les galaxies elliptiques qui ne forment plus d'étoiles depuis plusieurs centaines de millions d'années. Un temps de gestation pouvant atteindre le milliard d'années est donc envisagé, sans exclure pour autant des chemins évolutifs plus courts. Différentes classes de progéniteurs participent sûrement à fonder la famille des SN-Ia, comme le laissent supposer les indices que les SN-Ia explosant dans les galaxies spirales sont en moyenne plus puissantes que dans les galaxies elliptiques.


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Sylvain Baumont
2010-01-11