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1.2 Indicateurs de distance

La mesure des distances est un problème central et non trivial en astrophysique. Le topologue dispose de la triangulation pour reproduire l'agencement du terrain, à condition de pouvoir accéder à des promontaires servant de balise. L'astronome n'a pas cette possibilité. Il mesure en premier lieu les distances par rapport à la terre, qui fut un temps placée au centre de l'univers. On sait aujourd'hui mesurer directement la distance des planètes par rapport au soleil, ou celle du soleil par rapport au centre de notre galaxie : la Voie Lactée, du nom que lui ont donné les bergers de l'antiquité

Mêmes les distances intergalactiques sont bien contraintes par un seul paramètre d'expansion : la constante de Hubble H$ _0$ , égale à la vitesse d'expansion apparente de l'univers, exprimée en km/s/Mpc. Dans le cadre d'un univers en expansion, la mesure de la vitesse de recession v d'une galaxie, aux vitesses d'interactions galactique locales près, permet de déduire la distance d de cette galaxie. Au premier ordre, d=v/H$ _0$ .

La courbure de l'espace ne peut pas pour autant être mesurée directement en comparant à $ \pi$ la somme des angles d'un triangle cosmique (dont le côté serait comparable au rayon de courbure de la trame de l'espace).

La valeur du paramètre H$ _0$ a été réduite au dixième depuis sa découverte par Edwin Hubble en 1929 (rendant les distances dix fois plus importantes, et l'âge de l'univers dix fois plus grand), passant de 500 km/s/Mpc à 70 km/s/Mpc selon les dernières mesures.

1.2.1 Notion de magnitude

L'échelle des magnitudes est une échelle logarithmique inverse de la luminosité, héritée du classement antique des étoiles en six «grandeurs »: les étoiles les plus lumineuses étaient de première magnitude, et les moins lumineuses étaient de sixième magnitude. Ce classement visuel suit la sensibilité logarithmique de l'\oeil, et sera relié à la luminosité physique avec la constatation qu'un écart de 5 magnitudes correspond à un rapport de flux de 100. En prenant l'étoile boréale la plus brillante, Véga, comme référence de magnitude nulle, on exprime la magnitude M d'une étoile quelconque par M = -2.5 $ \log$ ( F / F$ _0$ ), où F$ _0$ est le flux de Véga, et F le flux de l'étoile considérée.

1.2.2 Mesures géométriques directes

Hors de notre proche environnement, les mesures directes de distances sont rares. Les géomètres grecs surent calculer le diamètre de la terre géométriquement, avec une précision de quelques pour cent, ainsi que la distance Terre-Lune à 50%.

La méthode de la parallaxe1.3s'applique à l'astronomie, mais il faut s'armer de patience et de très fins instruments, pour observer comment le changement de perspective opéré par la Terre dans sa course autour du soleil modifie la position apparente des étoiles proches par rapport aux galaxies lointaines. Il faut compter avec le mouvement propre des étoiles, et avec l'exigence en précision qui croît comme la distance : Le parsec (pc.) se définit comme la distance depuis laquelle l'orbite terrestre est vue sous un demi-angle $ \alpha $ de une seconde d'arc (1''=1/3600 deg.). Réciproquement, au cours d'une année, une étoile distante de 1 pc. semble parcourir une ellipse de grand axe 1'' depuis les montagnes terrestres, par rapport aux galaxies distantes. C'est une mesure directe qui dépend de la précision avec laquelle est connue la distance Terre-Soleil, et surtout de la précision de la mesure de la parallaxe $ \alpha $ . On dénombre dix étoiles à moins de 10 pc. (des dizaines de planètes et d'innombrables comètes de toutes tailles et couleurs), et mille à moins de 100 pc., dans notre quartier de galaxie. Depuis le sol, la mesure d'angles inférieurs à la seconde d'arc est loin d'être simple, et la mesure précise des distances des étoiles du quartier dut attendre le satellite Hipparcos pour être faite systématiquement.

Il faudrait attendre 100 millions d'années, le temps d'un tour de Voie Lactée, pour utiliser la parallaxe à la mesure de distances intergalactiques.

1.2.3 Mesures indirectes

Une méthode souvent applicable repose sur l'utilisation du diagramme couleur-magnitude d'un groupe d'étoiles situées à la même distance (amas ouvert ou globulaire). Ce diagramme traçe la luminosité des étoiles (la magnitude) en fonction de leur température (qui leur donne leur couleur : rouge à 2000$ ^{\circ }$ K et bleue à 20000$ ^{\circ }$ K), et est connu sous le nom de diagramme de Hertzprung-Russel, ou diagramme HR. Les étoiles, en fonction de leur masse et de leur stade d'évolution, se positionnent dans ce diagramme à des positions précises. Les étoiles peu évoluées brûlant encore leur Hydrogène forment la séquence principale, d'autant plus bleues et lumineuse qu'elles sont massives. La calibration de ce diagramme consiste à le tracer en fonction de la luminosité intrinsèque des étoiles (il faut donc disposer d'une mesure de distance des étoiles utilisées comme calibrateurs). Ensuite, pour estimer la distance d'un amas d'étoiles quelconque, on construit son diagramme HR avec les luminosités observées, on identifie la séquence principale, et le nombre de magnitudes d'écart entre la position de la séquence principale observée et celle calibrée. Cet écart, le module de distance, est directement relié à la distance de l'amas : plus il est lointain, plus les étoiles paraissent faibles et ont une magnitude élevée. Il faut cependant être capable de résoudre individuellement les étoiles pour appliquer cette méthode.



Edwin Hubble utilisait une autre méthode indirecte pour calculer la distance des galaxies lointaines, basée sur une relation, alors empirique, entre la luminosité et la période de pulsation des étoiles de type Céphéide. Les Céphéides sont des supergéantes jaunes, 4 à 15 fois plus massives que le soleil, mille à dix mille fois plus lumineuses, au sein desquelles un déséquilibre auto-entretenu entre la pression de radiation et la gravité fait varier périodiquement la température de surface, donc la luminosité. L'observation de Céphéides dans les nuages de Magellan par Henrietta Leawitt en 1912 lui permit de découvrir la relation liant leur période de pulsation et leur luminosité. La mesure de la distance de Céphéides proches par Harlow Shapley en 1916 permit de calibrer la relation période-luminosité (P-L) des Céphéides, qui devinrent un indicateur de distance de choix, permettant la mesure de distances interstellaires, voir intergalactiques (moyennant un gros télescope).

L'utilisation de cet indicateur de distance sur des étoiles variables observées dans d'autres galaxies avec le nouveau télescope de 2.5m du mont Wilson (Californie) en 1919 mena E. Hubble à surestimer l'expansion cosmique d'un facteur 7. En effet, il apparut par la suite que la relation période-luminosité des Céphéides dépend de la métallicité de l'étoile. Or, les Céphéides des nuages de Magellan qui ont servi à calibrer la relation P-L sont de faible métallicité (étoiles de type II), alors que celles ayant été observées dans les galaxies lointaines par E. Hubble étaient de métallicité plus grande (étoiles de type I), et intrinsèquement plus lumineuses. En conséquence, la relation P-L était appliquée abusivement, et les distances calculées par E. Hubble étaient sous-estimées d'un facteur 2. La prise en compte de l'extinction par le milieu interstellaire dans la calibration de la relation P-L augmentera encore les distance galactiques.

Cet exemple historique souligne la difficile construction de l'échelle des distances en astronomie. Malgré la forte imprécision de ces mesures de distance de galaxies, l'ordre de grandeur trouvé fut un argument de poids pour placer ces nébuleuses, de nature alors inconnue, hors de notre Voie Lactée, et pour comprendre qu'elles étaient en fait d'autres univers-îles, similaires au notre.

Les barreaux de l'echelle des distances sont généralement calibrés en utilisant les précédents. Les imprécisions propres à chaque barreau se cumulent donc de proche en proche, menant à des estimateurs de distance d'autant moins précis qu'ils s'appliquent à des objets plus lointains. Les premiers barreaux sont régulièrement reconstruits sur des bases plus saines, issues de mesures plus précises (telle la mesure de parallaxe par le satellite Hippoarcos). À chaque correction d'un barreau, les barreaux suivants en sont modifiés, ainsi que toutes les estimations de distance qui en dépendent.

Actuellement, les supernovæ de type Ia ont surclassé les Céphéides comme indicateur de distance, du fait de leur luminosité bien plus élevée, permettant de les observer à des distances plus grandes. La précision des mesures de distance basées sur ces deux types de chandelles standard dépendent de trois facteurs principaux : la qualité de la calibration de la luminosité intrinsèque des sources, l'uniformité de la famille, et la pureté avec laquelle on peut identifier un objet de la famille parmi d'autres non standardisable.


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Sylvain Baumont
2010-01-11