Au terme de ces manipulations, on dispose d'un spectre dont on veut savoir s'il s'apparente à un spectre de supernova de type Ia, II, Ib/c, Ia particulière, ou d'autre chose (Noyau actif de galaxie, Nova, Objet non identifié), et connaître son redshift.
Les signatures spectrales caractéristiques des divers types de supernova
apparaissent parfois clairement à l'il de l'analyste, ainsi que les
raies d'émission nébulaires et/ou d'absorption des atmosphères stellaires
de la galaxie, et permettent alors de conclure facilement.
Cependant, la faiblesse du signal et la contamination par le spectre de la galaxie hôte rendent souvent impossible une classification visuelle incontestable. La méthode alors communément employée est d'ajuster, par les moindres carrés, le spectre observé avec la somme d'un spectre de galaxie et d'un spectre de supernova, pris dans une librairie de spectres de référence couvrant tous les types de galaxie et de supernova connus. L'espace des paramètres (redshift, fraction de galaxie, âge de la supernova) est exploré pour chaque couple de spectre, et le meilleur ajustement, celui qui minimise les résidus, fournit le type de la supernova, celui de la galaxie, son redshift et l'âge de la supernova, les plus probables au sens statistique.
Cette méthode a été implémentée par Grégory Sainton au cours de sa
thèse2.3,
pour les supernovæ du SNLS.
Le spectre d'erreur doit être pris en compte lors du calcul des résidus
(du
), afin de donner moins de poids aux régions plus bruitées.
La librairie de spectres de galaxies contient 19 spectres : 5 reproduisent la séquence de Hubble allant des galaxies elliptiques aux galaxies spirales (E, S0, Sa, Sb, Sc), 5 correspondent à des galaxies en phase de formation d'étoiles plus ou moins obscurcies (Burst 1 à 5), 1 représente le spectre du bulbe central des galaxies (population d'étoiles vieilles), et les 8 derniers correspondent à des spectres de galaxies actives dans divers états (raies d'émission larges ou étroites).
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La librairie de spectres de supernovæ contient 237 spectres de 45 objets (144 spectres de 15 SN-Ia, 72 spectres de 27 SN-Ib/c et 21 spectres de 3 SN-II), plus une séquence temporelle de 79 spectres moyens de SN-Ia, archétype d'une supernova de type Ia normale, depuis le moment de l'explosion jusqu'à 79 jours après, dérivée de la séquence de Peter Nugent [11].
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Le logiciel parcourt l'espace des paramètres, à l'intérieur des limites imposées par l'opérateur. Il est possible d'utiliser tous les types de supernova et de galaxies, tous les âges de supernova, et un large intervalle de redshift, mais l'ajustement est alors extrêmement long.
En présence de raie galactiques évidentes, l'intervalle de redshift peut être rapidement
contraint à 0.01 près, économisant l'exploration selon ce paramètre.
En revanche, à grand redshift, il est fréquent que la galaxie soit beaucoup moins lumineuse
que la supernova, et que les raies galactiques les plus rouges (
> 5000 Å)
sortent du domaine spectral couvert par FORS1 doté du grisme 300V.
La détermination du redshift est alors plus ambiguë.
Si la galaxie est vraiment indécelable, seules les signatures du spectre de la
supernova permettront de contraindre de redshift et le type de supernova.
Dans ce cas, alors qu'une précision de 10
est facilement obtenue grâce aux fines
raies nébulaires (d'oxygène de d'hydrogène ionisé), la largeur des raies
photospheriques de l'éjectat couplée à la variabilité de la vitesse d'éjection
d'une supernova à l'autre (de 8 10
à 20 10
, dont l'effet est
perceptible sur la position de la raie du Si II à 6100 Å, entre une SN-Ia normale
et une SN-Ia sous-lumineuse, lente, telle que 1991bg, sur la Fig. 2.7)
rend bien moins précise la mesure du redshift.
Elle intégrera en effet la vitesse propre de la supernova par rapport au
centre de la galaxie, et la différence entre la vitesse de l'ejectat de la supernova
étudiée et celle de la supernova s'ajustant le mieux au spectre.
La précision n'est alors que de l'ordre de 10
.
Lorsque le spectre de la galaxie hôte a pu être extrait, il est possible de l'utiliser à la place des modèles galactiques (c.f. Fig. 2.8). Comme il est également affecté par le redshift, cela ne permet pas de le contraindre, mais cela permet de compenser les effets de vitesse photosphérique, améliorant ainsi la qualité de l'ajustement.
L'aspect des spectres extraits permet à l'opérateur experimenté de sélectionner les types de galaxie et de supernovæ à ajuster les plus vraisemblables, afin d'accélerer l'ajustement.
La quantité de points formant le spectre a aussi un impact direct sur le temps de
calcul. On recourt souvent à un rééchantillonage pour réduire ce nombre de
points. Le rééchantillonnage a cependant le mauvais goût de corréler les points,
ce qui biaise le calcul du
. Cela n'est pas critique pour converger vers une
solution, mais il faut utiliser le spectre original lors de l'ajustement final qui
fournira une valeur de
interprétable en terme de qualité de l'ajustement:
un
normalisé valant 1 signifie qu'en moyenne les points s'écartent du modèle
d'une fois leur écart-type estimé, c'est à dire que les données sont tout
à fait compatibles avec le modèle. Un
plus faible laisse soupçonner que
l'écart-type a été surestimé. Et un
plus fort que le modèle n'est pas
exactement compatible avec les données.
Lorsque l'ajustement s'avère délicat, on peut essayer d'autres fenêtres d'extraction dans l'espoir de diminuer la contamination galactique. La procédure d'identification est donc itérative, et peut être poursuivie longtemps dans les cas difficiles. Pour limiter la subjectivité de ces itérations, l'étape de l'identification est réalisée en parallèle par plusieurs personnes, à partir des mêmes images calibrées. À la fin de la lunaison, les résultats sont comparés pour aboutir aux identifications finales.
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Il faut être conscient de certaines choses lorsque l'on effectue ces ajustements : garder à l'esprit par exemple que l'on se base sur des spectres observés, avec divers instruments, et lorsque la météo le permettait. En conséquence, la couverture spectrale, le rapport signal à bruit, la quantité de spectres et l'échantillonage temporel sont conditionnés aux spectres publics.
Ainsi, on dispose par exemple de peu de spectres de SN-Ib/c avant le maximum de luminosité. Le programme d'ajustement n'identifiera jamais un objet comme étant une SN-Ib/c à 7 jours du maximum, pour la simple raison qu'il n'en dispose pas dans sa librairie.
Il en est de même pour les spectres de galaxies, dont on ne dispose que d'un
échantillon discret, alors que l'on trouve de tout dans la nature. Les modèles
galactiques représentent d'une part des populations stellaires plus ou moins âgées,
et d'autre part des nuages gazeux en phase de condensation, formant des étoiles
massives dont le rayonnement énergétique, plus ou moins obscurci, ionise le gaz
environnant.
Les raies de recombinaison des éléments du gaz (Hydrogène et Oxygène principalement)
sont d'autant plus intenses que la formation d'étoiles est soutenue.
Le spectre d'une galaxie particulière et non résolue sera la somme de la population
stellaire du coeur et des régions nébulaires périphériques si la galaxie est spirale.
Cette composante nébulaire, qui peut être minime mais qui permet une mesure précise du redshift,
n'est pas ajustée indépendement (c.f. Fig. 2.9).
L'ajustement cherche plutôt à reproduire la couleur globale (la pente) du spectre,
et masque ces fines raies qui dégradent énormément le
lors de l'étape de
robustification qui a été ajoutée pour supprimer les pixels trop déviants
(pour plus de détails, on consultera la thèse de G. Sainton [14]).
Comme on peut l'observer sur en Fig. 2.7, les spectres de SN-Ib/c présentent des resemblances troublantes avec les spectres de SN-Ia. En particulier, un spectre de SN-Ic quelques jours avant le maximum est très comparable à un spectre de SN-Ia une semaine après le maximum (c.f. Fig. 2.9).
Ceci est d'autant plus sensible que l'intervale spectral se réduit par l'effet du redshift, et que le rapport signal à bruit diminue avec la distance.
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Dans les cas où cette dégénérescence apparaît, on peut en dernier recours consulter la courbe de lumière de l'objet pour savoir s'il a été spectré avant ou après le maximum de luminosité. Dans un souci d'indépendance de l'identification spectrale, le recours à la courbe de lumière (préliminaire par ailleurs) est généralement évitée.
De même, les spectres ne couvrant pas la partie bleue (
< 4000 Å) seront
quasiment inutiles pour identifier des objets se trouvant à un redshift supérieur à 0.5,
puisque l'intervalle commun, dans le référenciel de l'objet, sera [4000;5500] Å,
à supposer que le spectre extrait s'étende jusqu'à 8250 Å, Cet intervalle
contient bien quelques signatures spectrales, mais il en faut généralement plus pour
avoir une identification inambiguë.
Pragmatiquement, l'algorithme de minimisation du
,
ayant moins de points à ajuster, trouvera plus facilement un jeu de paramètres
reproduisant bien la partie commune, même s'ils sont aberrants dans la partie ignorée.
On obtient ainsi de très bons ajustements sur une petite fraction du spectre, qui
donneront le meilleur
.
Par ailleurs, le spectre d'erreur estimé d'après le bruit du capteur CCD et le spectre du ciel ne prévoit pas les résidus systématiques qui apparaissent lors de la soustraction du fond de ciel. Non que le spectre du ciel soit différent à l'endroit de l'objet et dans les zones d'estimation, mais c'est l'effet de la pixelisation puis du rééchantillonnage corrigeant de la fonction de dispersion qui modifient le profil effectif du spectre mesuré. Les bords des raies d'emission intenses sont particulièrement sujets à cet effet. Ainsi, en plus du bruit statistique bien estimé, existe un bruit de soustraction proportionel à la dérivée du spectre du ciel. L'ajustement peut fixer des raies galactiques sur ces résidus, de manière erronée.
Autre effet atmosphérique, les bandes d'absorption des molécules de dioxygène et de vapeur d'eau (autour de 6300, 6900, 7600 Ået de 5900, 7200, 8200, 9000 Årespectivement) impriment leur marque sur les spectres. Il est difficile de corriger proprement ces absorptions, et l'on préfère masquer ces bandes, ainsi que les raies d'emission du ciel les plus puissantes. Cela réduit par contre de facto la couverture spectrale dans le rouge, rendant plus sensible le problème de recouvrement spectral.
Ce problème est également présent dans la librairie de spectres de supernova, qui n'ont
pas été systématiquement corrigés de l'absorption atmosphérique
(c.f. Fig. 2.7).
L'effet du redshift translate la plus importante (O2 à 7600 Å) hors du domaine observé
par FORS1. Cependant, les autres bandes ainsi que le bruit propre des spectres ne sont
pas considérés lors de l'ajustement, car ce ne sont pas les incertitudes dominantes.
Elles participent cependant au
, biaisant l'ajustement en faveur des spectres les
moins bruités.